Le 3 octobre 2024, la Commission de toponymie du Québec a ajouté le nom « Lac de l’Évasement » à son gigantesque répertoire. Ce plan d’eau d’une superficie de 2,2 hectares, environ l’emprise au sol du Centre Vidéotron, se situe dans les monts Valin, à 70 kilomètres au nord de Saguenay.
C’est en prenant quelques clichés par drone, lors d’une visite au chalet familial, que je l’ai découvert en août 2023. Son pourtour densément protégé par les épinettes noires et sa source serpentant dans la tourbière m’ont immédiatement charmé. Quel pouvait être son nom?

Ces oasis boréales, on ne peut les compter tant elles sont nombreuses dans les forêts nordiques. Pas étonnant donc, au moment d’identifier la photographie, de ne lui trouver aucun nom officiel… Ils sont des dizaines de milliers comme lui à n’avoir jamais été baptisé1. Cela s’explique entre autres par la quantité mirobolante de lacs de petite taille sur le territoire québécois et par le fait que la majorité d’entre eux ne sont jamais ou rarement visités par l’Homme.

La Commission de toponymie officialise des milliers de noms chaque année à la suite de décisions prises au niveau municipal. Mais plus au nord, sur le territoire public, elle peut librement nommer elle-même. Et l’aide des citoyens qui arpentent ces forêts n’est pas exclue. Elle proposait même un formulaire, au moment où j’ai décidé de faire cette démarche, tout en soulignant le sérieux de ce privilège :
Dénommer un lieu est un geste important. Le nom qui est créé, puis officialisé, sera légué aux générations futures. La Commission souhaite donc que l’attribution de noms à des lieux innommés soit une occasion d’enrichir à la fois la toponymie du Québec et la mémoire collective2.
Le nom proposé doit respecter différents critères et règles d’écriture. J’ai préféré une proposition plutôt conservatrice en choisissant un toponyme descriptif, c’est-à-dire un nom qui fait écho à la géographie du lieu. Pas aussi banal que les innombrables « Lac Rond » ou « Lac Bleu » toutefois! Ce sera le lac de l’Évasement.
Évasement : État de ce qui est évasé. Évasement d’un tuyau, d’un vase, d’un entonnoir. « un large évasement fait ressembler la rivière à un lac » (La Presse, 1994)3
Le lac en question est l’élargissement d’un ruisseau (d’ailleurs lui-même sans nom, si je me souviens bien).
L’ensemble du processus de décision et d’officialisation a comporté des échanges par courriel, la consultation de la Commission avec la bande autochtone locale pour découvrir un éventuel nom déjà en usage, de même qu’avec la pourvoirie dont le lac fait partie. « Nous tenons à vous exprimer nos remerciements pour votre contribution à l’enrichissement de la toponymie du Québec », ai-je finalement reçu plus d’un an après la demande initiale. Tout le plaisir est pour moi! Et vive le lac de l’Évasement.

Références
- Jean Poirier, « Évolution de la toponymie au Québec », Commission de toponymie, 1994. ↩︎
- « Conditions générales de proposition d’un nom de lieu », consulté le 17 janvier 2025. ↩︎
- « évasement », Usito – Université de Sherbrooke, consulté le 17 janvier 2025. ↩︎